Par Gaëlle Fournier 

 

Jeudi 8 février. Le rendez-vous est fixé à 18 heures, 23 passage Talleyrand. En cette fin de journée hivernale, Manon, de l’association Sciences Po Environnement, nous emmène au premier restaurant d’alternatives à Reims. Après 20 minutes de marche au départ de Sciences Po, nous arrivons à destination. Rémi et son restaurant, la Végé Table, nous ouvre ses portes. La décoration, savant mélange entre nature et modernité, crée une atmosphère des plus chaleureuses. Sur le porte manteau, sept tabliers sont disposés. Parés de nos tenues de chefs, nous sommes fin prêts à cuisiner.

 

Le plan de travail s’apparente à une aquarelle de fruits et légumes. Rémi nous présente ceux qui seront nos compagnons d’un soir. Pois chiche, courge musquée, poireaux, potimarron, brocolis, épinards, persil plat, bananes, pommes, oranges, kiwis, blette et le chou, dans toutes ses déclinaisons, jonchent la table. Je fais ainsi la connaissance des trois compères du chou classique : le chou kale, chinois et le … chou de Bruxelles, mon amour de toujours. Des bancs de la cantine de l’école à ceux du lycée, notre relation a toujours été compliquée, son goût amer ne contribuant pas à une possible médiation du conflit. Et ce différent, Rémi l’a bien compris. Son but ? Nous réconcilier, le chou de Bruxelles et moi. Toutefois, ces fruits et légumes, Rémi ne les a pas trouvé sur les étales d’un supermarché. Et pour cause. Ce sont les grands oubliés de nos cadis, ceux que les consommateurs rejettent pour leur aspect rugueux ou leurs quelques tâches de rousseurs. Victimes de discriminations, ils se retrouvent la plupart du temps dans nos poubelles. Rémi, membre de l’association rémoise les Bons Restes, a pour cet atelier récupéré les aliments invendus de 3 jours de la biocoop de Saint Thomas. De quoi « remplir le coffre complet de sa Toyota Yaris ! » et faire un repas «100% récup », nous assure ce dernier.

 

Photo : Manon Tremelot

©Gaëlle Fournier//The Sundial Press

 

Au menu de ce soir, nous aurons le droit à un apéro « bio et bon pour ses consommateurs et la planète ! », composé de chips de choux kale saupoudrées de gomasio et d’huile d’olive bio et vegan. Puis en entrée, ce sera soupe de potimarron au lait de coco. Pour le plat principal, une recette du sud nous attend avec une galette de socca accompagnée d’une poêlée de côtes de blette. Enfin pour le dessert, nous préparerons l’incontournable et indétrônable banana bread, au chocolat bien sûr. Côté boissons, ce sera smoothie aux fruits abîmés. Nous voilà donc partis pour deux heures aux fourneaux, le tout dans le respect de l’environnement.

 

©Gaëlle Fournier//The Sundial Press

©Gaëlle Fournier//The Sundial Press

 

Déterminée à percer à jour la moindre faille du système de la Végé Table, je poursuis mon enquête et ne cesse de poser des questions sur la composition des ingrédients utilisés tels que le chocolat ou l’huile d’olive. Rémi me répond alors : «Inutile de poser la question. Ici tout est bio et vegan !».

 

Ici, les ustensiles sont issus de la récupération. De la casserole aux couverts, en passant par les lustres qui vous éclairent, alimentés en énergie 100% renouvelable ! ©Gaëlle Fournier//The Sundial Press

 

Dans l’équipe, les sciencespistes se répartissent les tâches. Un véritable élan de solidarité émane de la cuisine. Aiguisant les couteaux, notre maître de stage nous avertit : « N’allez pas vous blesser, je ne suis pas assuré ! ». Espérons que ma dextérité légendaire résistera à la tentation pendant ces deux heures … En binôme avec Meriem, nous sommes chargées de la découpe des côtes de blette, sous la supervision bienveillante de Rémi. J’en profite alors pour en apprendre plus sur le propriétaire de la Végé Table. Ancien responsable de salle aux Crayères, il a décidé de tout quitter pour monter son projet. La raison ? Après cinq années d’alimentation végétarienne,  “ce n’était plus possible de travailler dans un restaurant qui servait de la viande” confie celui qui est désormais passé du côté des vegans. Après 12 mois rythmés par les rendez vous avec les banquiers et assureurs mais également la recherche de financements et d’un lieu où prendrait forme son projet, la Végé Table voit finalement le jour, sous la toiture vitrée du passage Talleyrand.

 

Photo : Manon Tremelot

 

Dans la cuisine, de délicieux parfums s’échappent des poêles. La qualité des produits y est pour quelque chose. Rémi travaille avec des producteurs bio de la région et les connaît tous. Tandis que les feuilles de blette dorent à l’huile d’olive bio dans la poêle, Juliette cisaille le persil. Je rejoins Léa, en pleine confection du banana bread. Alexandre concasse les noisettes sur les choux de Bruxelles, épluchées par Léa et Teresa. Agrémentés de sirop d’agave, ils se teintent d’un certain charme, que je n’avais jamais soupçonné. En attendant la fin de la cuisson, Alexandre s’occupe du smoothie. Si, de prime abord, les fruits paraissaient rebutants, leur goût, une fois mixés,  délivre le message opposé.

 

©Gaëlle Fournier//The Sundial Press

©Gaëlle Fournier//The Sundial Press

©Gaëlle Fournier//The Sundial Press

 

A l’étage, la table est dressée avec élégance. Les mets cuisinés entrent en scène et avec eux, un voyage des sens s’opère. Le repas est l’occasion d’en apprendre plus sur l’association dont font partie Rémi et ses amis, qui nous ont rejoint pour le dîner. Entre deux cuillères de soupe, nous discutons avec Sandrine, présidente de l’association Les Bons Restes, dont Rémi est également membre. Le projet phare de l’association est d’ouvrir une cantine à Reims, avec tous les aliments issus de la recup. La cantine serait ouverte un à deux midis par semaine et le prix du repas, libre. Il faudrait pour cela, trouver un lieu fermé, effectuer des sessions de glanage une à deux semaines auparavant et stocker les aliments dans des bocaux. Les Bons Restes de Reims sont créés en novembre 2016. Nombre de ses membres font également parti de Disco Soupe, mouvement solidaire et festif à la double visée : la sensibilisation et la lutte contre le gaspillage alimentaire. Par l’organisation d’événements participatifs, gratuits et sur fond de musique disco, les adhérents oeuvrent à la prise de conscience collective du grand public. Pour Sandrine, le choix de consommer des aliments ne doit pas se limiter à leur seul aspect physique : «une orange moche peut être bonne et les carottes tordues se mangent !». Le smoothie en est la preuve. Sur le long terme, ce projet de cantine durable et solidaire serait également source d’emplois. Travaillant main dans la main avec les agriculteurs de la région, ces derniers pourront donner une seconde vie à leurs produits impropres à la commercialisation. Un dénouement des plus heureux caractérisé par une ascension sociale pour ces ex-marginalisés, de nos poubelles à nos assiettes. Ce projet s’appuie sur la géographie de la région qui, grâce au maraîchage, ne manque pas de ressources. A l’horizon 2019, Disco Soup et Food Waste prévoient d’organiser un «banquet des 5 000» à l’image de ceux réalisés à Paris, Nantes ou encore à Londres, filmé dans le reportage Global Gachis, sorti en 2010. Manon, Teresa, Léa, Alexandre, Juliette, Meriem sont ravis. Le coup de coeur du jury ? La soupe au potimarron et lait de coco l’emporte à 8 votes contre 3 pour la galette de socca. Le repas se termine et se conclue dans la bonne humeur. Les apprentis cuisiniers arborent un large sourire tout comme Rémi, fier de ses élèves.

 

©Gaëlle Fournier//The Sundial Press

L’équipe au complet. De gauche à droite: Meriem, Juliette, Teresa, Gaëlle, Léa, Manon, Alexandre et Rémi.

 

Végétariens, végétaliens, vegan ou carnivores tentés par cette cuisine novatrice, devenez acteurs de votre destin. Par ces ateliers de sensibilisations et de transformations, nous récupérons des aliments quotidiennement jetés mais au delà, nous apprenons à changer nos habitudes de consommation, vers un mode de vie plus durable et respectueux de notre planète et ses ressources. Les bases d’une alimentation saine et durable nous tendent la main. Envie de s’initier à une cuisine bio, végétalienne et locale ? N’hésitez plus et courez à la Végé Table !

 

Infos pratiques :

Où ? 23 passage Talleyrand, Reims

Quand ? Du mardi au samedi midi de 12h à 14h. Les vendredis et samedis soirs de 19h à 21h30

Plus d’informations au 03.26.23.37.37 ou sur le site : http://www.lavegetable.fr/

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