Le 8 février dernier, tu t’es peut-être sapé comme jamais pour la première TrapHouse du Seize. Si c’est le cas, je t’ai sûrement couru après en te hurlant  “attends, c’est pour le Sundial !” au dessus du bruit de la musique. Deux réactions possibles : 1) Tu t’es dit “oh non” 2) Tu m’as dit “bon d’accord”. Aujourd’hui, retour en image sur la soirée et discussion avec Driss, le fondateur de ton association de hip-hop préférée !

 

Annabelle Niang : Qui es-tu en quelques mots ?

Driss Lonqueux : Je m’appelle Driss, j’ai 18 ans, je viens du 92 et je suis en deuxième année dans le programme Euram. Mes projets d’avenir sont flous mais j’aimerais continuer à créer et entreprendre.

 

AN : Qu’est-ce que le Seize ?

DL : En arrivant à Sciences Po, j’étais étonné qu’il n’y ait pas de structure rassemblant les passionnés de rap. Tout au long de mon adolescence, le rap était une constante dans les groupes d’amis que je côtoyais et je souhaitais m’y raccrocher ici pour rencontrer des gens avec les mêmes intérêts. C’est de cette envie de rencontrer des enthousiastes de rap qu’est né le Seize. J’ai rencontré en début de ma première année Luis Berne, Maxime Thomas, et Julia Manien (une 3A) avec qui nous avons décidé de monter une association pour représenter le hip-hop sur le campus.

Cette ambition porteuse de notre projet était aussi le plus gros obstacle rencontré dans la formation et la gestion du Seize. Rassembler des passionnés est avantageux car chacun a une motivation foncière à faire avancer l’association, mais c’est donc aussi par définition une clique d’amis avec des goûts et intérêts communs. L’ambiance amicale, voire fraternelle, peut nuire au “professionnalisme” nécessaire pour faire progresser l’association. Cet obstacle était d’autant plus frappant l’année dernière lorsque nous étions que 3 ou 4 dans le Seize : les impératifs sont moins pressants entre frères de son.

Sinon, gagner en popularité et rendre notre cause légitime n’était pas très compliqué. Le hip-hop est, dans mon expérience, le mouvement culturel qui unit le plus notre génération. C’est le genre musical le plus écouté dans le monde. C’est pour cette raison qu’obtenir le support nécessaire à la reconnaissance administrative du Seize était facile et que notre initiative était chaleureusement accueillie par la communauté des sciencepistes.

 

L’équipe du Seize. Photo by Annabelle Niang @The Sundial Press

 

AN : Quel est ton rapport à la culture hip hop / urbaine ?

DL : C’est d’abord mon grand frère qui m’y a introduit au collège. C’est grâce à lui que j’ai pu assister à un concert de Kendrick Lamar l’été où la sortie de l’album “Good Kid, M.A.A.D City” le fera percer (il avait fait la première partie d’Eminem au Stade de France deux jours auparavant), sur une petite scène du festival Rock en Seine en 2013. Je suis resté grand amateur de rap depuis cette époque.

Les milieux que je fréquentais par ma pratique du football en banlieue parisienne m’ont aussi apporté un lien différent aux cultures urbaines. C’est au foot que j’ai découvert Kalash Criminel et Ninho par exemple ! Le ballon et le rap sont très intimement liés dans la culture “street foot”. Si ça intéresse quelqu’un, je recommande le reportage Ballon sur bitume de Yard qui documente justement cette culture à part, avec notamment la participation d’Aurier, Mahrez, Dembele, Gradur, MHD, etc.

 

AN : As-tu d’autres centres d’intérêt en dehors du Seize ?

DL : Je ne kick pas, mais l’asso m’a poussé à tenter de graffer et de gratter un texte donc rien que pour moi, le Seize a rempli sa mission initiatrice ! Un de nos objectifs est d’établir une plateforme pour permettre aux étudiants de s’essayer rap ou au graff,  d’où l’open Mic et la sortie graff au premier semestre. Donc oui, cela offre autant à moi qu’à la communauté sciencepiste des opportunités pour se lancer !

 

AN : Que penses-tu de la nouvelle vague de rap qui est parfois critiquée, avec le fameux “C’était mieux avant ?”

DL : C’est un débat récurrent au sein même de l’association, mais je n’y prends pas parti. Je n’aime pas cette phrase nihiliste de pseudo-puristes. Entre old school et new wave, il y a indéniablement un changement de style d’un point de vue lyrique, musical, et même esthétique avec l’image reflétée par les MC (vestimentaire, clip, etc.). Le rap est le fruit d’une culture et à ce titre, le rap a évolué selon les changements sociétaux et culturels. La consommation de la musique a changé de manière à privilégier l’image au texte par exemple, ou à privilégier le rap festif au rap conscient. La relégation du rap conscient en style minoritaire ou “underground” aujourd’hui est en partie due à la dépolitisation de la jeunesse et surtout des amateurs de rap. Les avancées techniques permettent aux rappeurs et aux producteurs d’aujourd’hui d’exploiter un maximum leurs capacités musicales en modifiant les variations de voix, en ajoutant un sample ou des bruitages habilement placés pour rythmer le son. Le rap est le reflet d’une culture et donc son évolution est le reflet d’une évolution culturelle. C’est ce qui fait sa diversité et donc sa force : le rap n’est pas moins bien aujourd’hui il est différent. C’est d’ailleurs pour ca qu’un rappeur comme Booba est au top du rap game depuis maintenant plus de quinze ans : il a su adapter sa musique aux changements de la société française (cf. Temps Mort (2002) vs. Trône (2017)).

Pour ma part, je ne suis pas de nature nostalgique.

 

La Traphouse. Photo by Annabelle Niang @The Sundial Press

 

AN : A l’ancienne, tu écoutais quels rappeurs ? Et maintenant ?

DL : J’étais très ‘rap conscient’ à l’ancienne, j’écoutais beaucoup Hugo TSR ou Davodka. En ce moment, je suis dans une phase rap américain où j’écoute beaucoup Young Thug et ses deux protégés Gunna et Lil Baby.

 

AN : Un ou des artiste hip-hop sous-côtés à nous faire découvrir ?

DL : Je recommande de suivre Heuss l’Enfoiré. Il vient de chez moi, il a sorti son premier projet il y a même pas un mois et il a déjà des gros feats avec Sofiane et Koba laD. J’écoute pas mal Youv Dee aussi. C’est un des 4 mecs de L’ordre du Périph qui lance juste sa carrière solo.

 

AN : Il y a t-il des talents que nous pouvons suivre dans l’équipe du Seize ?

DL : Moult poètes dans le Seize ! Mentions spéciales à Clouty Chad, MakySan, Sensitive Dragon (dont l’identité est volontairement dissimulée), Maxime Bobe aka “Tendo” et j’en passe… On ne peut pas encore les suivre sur Instagram car ils sont toujours en formation sous l’égide du grand Kiddy. Allez suivre notre étoile montante, the one and only Luis Berne pour suivre son projet : @kiddylekid sur Instagram.

Si vous nous suivez sur les réseaux, vous avez aussi pu apprécier le génie de mon poulain Paul-Henri à la production audiovisuelle. Il a notamment réalisé le teaser et l’aftermovie de la TrapHouse et de la sortie graff. Il s’occupe également des montages des “Plume sur Bitume”. Quand je l’ai trouvé, il n’avait rien. Maintenant on le surnomme “O monstro”. Paul-Henri est très talentueux, avec une véritable vision artistique et de sérieuses ambitions dans le monde du film-making (et du clip-making inchallah). Allez le suivre sur Instagram @jesuisph et sur YouTube @Paul-Henry Thiard.

 

AN : Peux-tu nous en dire plus l’étymologie de l’expression “traphouse” ? Et comment s’est déroulé son organisation ?  

DL : Une “trap house”, c’est une vieille maison abandonnée, délabrée, et squattée par des dealeurs qui cuisinent et vendent sur place. En français, on dit “bendo”, qui est en fait un diminutif de l’anglais “abandoned house”. Mais pour des raisons administratives, le nom de notre soirée fait plus référence à la “Maison de la Trap” (le genre musical) plutôt qu’au lieu de deal.

L’objectif de l’organisation de cette soirée était de lever des fonds qui financeraient la fabrication des t-shirt et autres textiles “Le Seize” afin de baisser les prix auxquels on les vendra sur le campus. C’est pour ça que vous avez pu voir tous les membres du Seize porter ces t-shirt a la TrapHouse. Ils seront bientôt disponibles en précommande donc restez à l’affût.

Je pense que j’étais peut-être le seul stressé de l’équipe mais l’organisation s’est bien passée au final. La livraison d’alcool était terrible, Carrefour a dû revenir trois fois, jamais au créneau annoncé ; je déconseille fortement aux autres associations de passer par Carrefour pour des grosses commandes. D’ailleurs si ça peut en intéresser certains, il nous reste moult bouteilles de soft. Sur le plan de la préparation de la soirée, on n’avait pas recruté les nouveaux membres du Seize sur leur compétences dans l’événementiel donc je n’étais pas surpris de voir certains scotcher les portes d’entrée d’appartements inhabités, voire condamnés.

 

La Traphouse. Photo by Annabelle Niang @The Sundial Press

 

AN : Ton asso promeut également le street art, le graffiti, la danse… des évènements à venir ?

DL : Bien sûr, nous venons de nous faire reconnaître officiellement comme initiative étudiante, un statut qui nous permet de collaborer avec le BDA et l’administration pour installer un mur d’expression permanent sur le campus. Les étudiants pourront graffer, dessiner, peindre sur de grandes planches en bois qui resteront dans le courtyard. Une autre sortie graffiti sous les ponts du canal sera organisée sur le même modèle que celle du premier semestre. Le retour des Rapzia (rap contenders), un grunt et toujours plus de contenu audiovisuel avec un prochain Plume sur Bitume qui sort très bientôt. On vous prépare aussi un projet surprise pour la fin d’année. Les échéances sont nombreuses, restez sur vos appuis.

 

AN : À quand la prochaine Traphouse ?

DL : On repare d’abord les dégâts de la première édition !

 

AN : Le Seize en un mot pour toi ?

DL : Carré.

 

La Traphouse. Photo by Annabelle Niang @The Sundial Press

 

All pictures by: Annabelle Niang @The Sundial Press

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