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Pourquoi Richard Ferrand Doit Démissionner

By October 14, 2019 No Comments

Thomas Blanda

 

Il y a maintenant un mois, le 11 septembre dernier, le Président de l’Assemblée Nationale Richard Ferrand est mis en examen pour « prise illégale d’intérêt ». Il est reproché à Richard Ferrand d’avoir participé à un montage immobilier douteux, alors qu’il était encore directeur général des Mutuelles de Bretagne, et qui concerne la location par les Mutuelles de Bretagne d’un local destiné à devenir un centre de soin. Ainsi, ce local aurait permis à sa compagne, Sandrine Doucen, de s’enrichir en l’achetant à partir d’un prêt bancaire, prêt facilement accordé grâce à un compromis de vente signé par les Mutuelles. Au total, elle aurait acquis à moindre frais un bien immobilier de 580 000 euros environ. Si la pression médiatique semble s’être calmée et avoir fait place à d’autres actualités, le sujet n’en reste pas moins sur la table. 

Le problème que pose cette affaire, comme chaque affaire de ce genre, est que le politique et le juridique y sont intimement liés. D’une part, on rappelle que la politique a pour rôle de construire un projet de société. D’autre part, la justice permet d’organiser cette société en fixant un cadre en dehors duquel les pratiques des uns remettent en cause le bien des autres, et parfois même de la collectivité. Il est alors facile d’imaginer la justice comme un outil propice à la réalisation de ce projet politique, au service du bien commun présent et à venir. Cependant, si la justice place un homme en examen, c’est que des doutes planent sur le respect du cadre qu’elle a fixé. Or, comment avoir une légitimité politique lorsque la justice vous remet en cause ? Et sans légitimité politique, comment construire un projet de société enviable ? 

En 1993, la « jurisprudence Balladur » est mise en place, invitant les membres de l’équipe gouvernementale à démissionner en cas de mise en examen. Un quart de siècle plus tard, les arguments restent pertinents, à savoir que le plein exercice des fonctions politiques ne peut se faire lorsque le responsable politique est remis en cause par la justice. Son efficacité est ad finem réduite, sa parole et sa morale étant remises en question.

Le fait que Richard Ferrand ne soit plus ministre mais bien Président de la plus importante chambre du Parlement français ne déroge pas à la règle. Les faits sont le propre de la justice tandis que les perceptions et émotions appartiennent à la politique. Comment l’opinion publique doit-elle alors réagir lorsqu’un des plus proches soutiens du Président de la République et Président d’une Assemblée, dont une des premières lois votées concernait la morale publique, est lui-même mis en examen ? Richard Ferrand est toujours présumé innocent, c’est un fait juridique. Mais il est déjà condamné par l’opinion publique, ce qui constitue une sentence politique. De nos jours, des personnages politiques de tous bords semblent empêtrés dans des affaires judiciaires, du RN avec les assistants parlementaires aux Insoumis avec le procès récemment médiatisé de Jean-Luc Mélenchon, en passant bien évidemment par les Républicains et le remarquable retour de boomerang  du « Qui imagine De Gaulle mis en examen ? ». Même les alliés d’En Marche pendant l’élection présidentielle, le parti du Modem, ont été balayés par l’affaire des emplois fictifs. Toutefois, on aurait pu penser que l’élection d’Emmanuel Macron allait empêcher de se retrouver deux années plus tard dans cette situation si caractéristique du « vieux monde » que lui-même dénonçait.

L’intérêt général dicte également la démission de Richard Ferrand, à une époque de résurgence du « tous pourris ». La montée du populisme tend à généraliser une élite parisienne recroquevillée sur elle-même, sorte d’entre-soi malsain pour le pays. Une des meilleures réponses que le « nouveau monde » pourrait apporter serait justement de prouver le contraire avec la démission de Richard Ferrand. Pour le bien du projet politique voulu par Emmanuel Macron, mais également pour le bien collectif, la meilleure chose serait de restreindre cette affaire à un cas personnel – à travers la démission du Président de l’Assemblée – plutôt que de la laisser se généraliser à l’ensemble du pouvoir.

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