Par Léna Léaustic

« T’as pas compris qu’on prend du plaisir dans l’acte de chasse ? (…) Tu crois que nous on va devenir les petites mains de la régulation ? (…) J’en ai rien à foutre de réguler ! »

Voici un extrait de l’intervention de Monsieur Willy Schraen, Président de la Fédération nationale des chasseurs français, le 9 novembre dernier sur RMC. 

Loin d’être un discours faisant l’unanimité au sein de la population, ses paroles ont été dénoncées à plusieurs reprises par les principaux défenseurs de l’environnement tels que l’association L214 ou encore le journaliste engagé Hugo Clément, lesquels condamnent régulièrement les actes de barbarie subis par les animaux chassés.

D’autant plus accablant, les débordements de Monsieur Schraen font suite à un énième accident de chasse. 4 jours auparavant, un automobiliste de 67 ans décédait en Ille et Vilaine des suites d’une blessure par balle causée par le tir accidentel d’un chasseur. 

Malheureusement, cet accident n’est pas un cas isolé. Il y a maintenant plus d’un an, le collectif « Un jour un chasseur » a vu le jour suite à la mort d’un jeune homme tué par des chasseurs d’une balle dans le thorax. Depuis, des témoignages d’abus sont publiés chaque jour sur leurs réseaux sociaux parmi lesquels « Un jour, un chasseur à moins de 150 mètres de ma maison m’a dit : C’est bon je tire en l’air de toute façon » ou encore « Un jour, un chasseur m’a dit : Restez à Montpellier centre-ville pour vous promener ». 

Plusieurs questions se posent : Doit-on continuer d’accepter la pratique de la chasse en tant que loisir au sein de notre société ? N’est-elle pas en totale contradiction avec les évolutions qui s’opèrent concernant la condition animale ? 

À ce jour, le collectif réclame la mise en place de mesures concernant la sécurité des personnes et l’encadrement de la chasse. Parmi ces mesures, on retrouve le contrôle et le suivi des armes sur le territoire national, le renouvellement des permis de chasse chaque année avec certificat médical ou encore la demande de sanctions pénales systématiques suite à tout incident. Ainsi, les chasseurs concernés par ces incidents se verraient dépourvus immédiatement de leur permis et auraient interdiction de détenir des armes. Enfin, une dernière mesure éventuelle fait beaucoup parler d’elle : l’interdiction de la chasse le mercredi et le dimanche afin de protéger les promeneurs.

Pour faire voter ces propositions de lois, une pétition a été postée sur le site internet du Sénat. Elle recueille d’ores et déjà plus de 120 000 signatures. Malheureusement, selon le principe de non-automaticité, le dépassement des 100 000 signatures n’entraîne pas automatiquement l’examen d’une proposition de loi. Cependant, tout laisse à penser que la question de la limitation de la chasse devrait bientôt être ajoutée à l’agenda parlementaire, dans le contexte actuel de médiatisation du décès d’une femme tuée par une chasseuse mineure le 19 février dernier.

Préserver à tout prix la chasse traditionnelle ? 

C’est ce que promettait Xavier Bertrand aux chasseurs lors de sa campagne pour la présidence de la région Hauts-de-France en 2021 : il déposera une demande d’inscription des chasses traditionnelles au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Ainsi, qu’entend-t-on par « chasses traditionnelles » ? La chasse à la glu, à la tendelle et à la matole ainsi que le déterrage des blaireaux et des renards. Jugée illégale et suspendue par le Conseil d’Etat, la capture des oiseaux au moyen de pièges traditionnels a pour autant été autorisée par un arrêté publié par le ministère de la Transition écologique et solidaire. Parmi les espèces visées se trouvent l’alouette, le vanneau huppé, la grive et le merle. Par exemple, la chasse à la glu consiste à enduire de glu les branches d’arbres sur lesquels les merles viennent se poser tandis que la tendelle est une pierre plate, retenue par 4 bâtonnets en équilibre qui s’écroulent au contact des grives, attirées par des baies déposées sous la pierre. Enfin, les matoles, traditionnellement utilisées dans le Sud Ouest, sont des cages en fer s’abattant sur les oiseaux. Ainsi, ces oiseaux sont piégés vivants et agonisent pendant des heures, voire des jours sans parvenir à se libérer.

Comment ne pas faire ici le parallèle avec le discours de Willy Schraen puisque les chasses dites « traditionnelles » visent, en effet, des oiseaux inoffensifs pour l’Homme. Ces espèces animales sont donc des proies destinées à satisfaire une activité de loisir et non à la régulation d’espèces nuisibles à l’ordre public.

2022 : L’espoir d’une entente entre chasseurs et défenseurs de la condition animale ?

De nombreuses initiatives naissent pour tenter d’initier à une pratique de la chasse plus « durable » et ainsi mettre fin aux traditions qui paraissent aujourd’hui en total désaccord avec l’opinion publique. 

Peut-on dès lors se considérer à la fois chasseur ET écologiste ? La réponse est oui si l’on en croit l’association Chasseurs de France qui nous explique que le chasseur participe à la sauvegarde de la biodiversité et de l’habitat et qu’il donne également de précieuses indications aux scientifiques travaillant sur les migrations animales. Enfin, un dernier argument concerne la santé, puisque la régulation permettrait de diminuer les risques de transmission à l’Homme de la leptospirose contractée par les animaux sauvages (rongeurs et porcs principalement) s’attaquant aux reins et au foie. 

Cependant, de nouveaux paramètres sont à prendre en compte : la protection des animaux est à ce jour une préoccupation globale. Cela s’est d’ailleurs concrétisé avec la participation du Parti Animaliste aux élections européennes et, à l’échelle de notre campus, l’initiative étudiante Mes AniPo s’inscrit dans cette continuité. Bien qu’elle n’ait pas obtenu le nombre de votes nécessaires, l’association proposait d’ores et déjà l’organisation de débats centrés autour de la question animale.

Concrètement, que demandent les « Animalistes » ? Parmi les mesures annoncées, on retrouve l’interdiction des pièges et de la chasse des mammifères durant la période de reproduction ou encore le renforcement de la lutte contre le braconnage. Un des points les plus importants concerne la recherche de nouvelles méthodes de contrôle des espèces « susceptibles d’occasionner des dégâts » (les sangliers et les loups majoritairement). Les chasseurs employés à la régulation recevraient alors de nouvelles directives et devraient faire face à une diminution drastique de leurs sollicitations. 

Enfin, au gré de l’évolution des mœurs, l’industrie de la mode se modernise elle aussi. Concernant la protection des animaux, le groupe Kering, auquel appartiennent notamment les marques Yves Saint-Laurent, Gucci et Balenciaga, a annoncé renoncer totalement à la fourrure d’origine animale dans ses prochaines collections. Pour son Président et directeur général François-Henri Pinault, « Le monde a changé, nos clients ont évolué et le luxe doit naturellement s’y adapter ».

Ces évolutions s’expriment également au sein de l’industrie agroalimentaire. Selon un dernier sondage de Franceagrimer datant de 2020, “24% des citoyens français limitent volontairement leur consommation de protéines animales afin de privilégier le régime flexitarien”.

La pratique de la chasse, elle aussi, se décidera-t-elle à s’adapter ?

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