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Alors que les effets du dérèglement climatique s’accélèrent et s’intensifient partout dans le monde, un changement de modèle énergétique devient plus que jamais nécessaire. L’Union Européenne, qui affiche une politique climatique toujours plus ambitieuse, peine à respecter ses objectifs.

Des manifestants alertent sur l’urgence climatique lors d’une marche pour le climat à Paris en septembre 2018.

Le changement climatique est incontestablement devenu la grande priorité politique de notre siècle. La prise de conscience des impacts environnementaux des sociétés s’est accélérée ces dernières années, une tendance qui s’est traduite dans les urnes. Lors des élections européennes de mai dernier, les partis écologistes dans toute l’Union ont ainsi réalisé des scores historiquement élevés. Cette performance est certes relative. En effet, le taux d’abstention a été important (49,9%), le scrutin européen a toujours favorisé les Verts, et de telles performances ne sont rarement reproduites au niveau national. Pourtant, force est de constater que les bancs du parlement européen n’ont jamais compté autant de députés écologistes.

L’Europe est le forum privilégié pour légiférer sur les questions environnementales, étendre les régulations à l’ensemble du territoire des états membres. De l’Union, on a aussi souvent l’image d’une bureaucratie lente et complexe, de coalitions législatives figées, de politiques nationales désunies et désaccordées. Qu’en est-il vraiment ? Quelles sont les actions de l’Union Européenne (EU) pour le climat ?

L’urgence du réchauffement climatique

L’injustice du réchauffement climatique fait des pays les moins développés, et contribuant ainsi le moins au réchauffement climatique, les premières victimes de la crise. C’est la notion de responsabilité partagée mais différenciée. Comme le souligne le récent rapport d’Oxfam, les régions du monde les plus pauvres souffrent le plus du réchauffement climatique. En revanche, il serait faux de penser la « forteresse Europe » à l’abri des dérèglements climatiques derrière ses murailles. L’Europe, elle aussi, subit directement les effets du réchauffement climatique. Alors que les températures globales augmentent, que le niveau des mers s’élève, et que la fonte des glaces s’accélère, les catastrophes « naturelles » d’origine sociale et autres évènements extrêmes se font de plus en plus fréquents. Au cours de la dernière décennie, la plus chaude jamais enregistrée en Europe, les vagues de chaleur ont causé des dizaines de milliers de décès. L’assèchement des cours d’eau et rivières en Europe méridionale pose un véritable problème d’approvisionnement en eau potable en plus des conséquences désastreuses pour l’environnement. Les effets du réchauffement climatique s’étendent à la santé humaine, en favorisant notamment la propagation de certaines maladies vers le nord et en allongeant la durée de la saison des pollens. La liste de ces effets, loin d’être exhaustive, suffit à montrer l’urgence causée par le dérèglement climatique en Europe, dont la rapidité et l’étendue ont notamment été mis en avant dans le rapport de l’Agence Européenne pour l’Environnement (AEE) de 2016, intitulé « Changement climatique, impacts, et vulnérabilité en Europe ».

Une Union volontariste

La prise de conscience des problématiques soulevées par le réchauffement climatique ne s’est faite que très récemment. Par conséquent, la politique environnementale de l’Union Européenne s’est radicalement transformée au cours des dernières années, évoluant d’un état quasi-inexistant à l’affirmation d’objectifs ambitieux. À l’échelle européenne, la première étape notable fut notamment la reconnaissance, au travers du Traité d’Amsterdam de 1997, du principe de développement durable. Il se définit comme un « développement qui répond aux besoins présents sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs ». Ce traité s’ajouta ainsi aux accords internationaux sur le sujet, comme l’importante Convention-cadre des Nations Unis sur les changements climatiques signée à la suite du sommet de la Terre de Rio en 1992. Depuis 1995, les pays signataires de la Convention se rencontrent chaque année lors de COPs (conférences des parties), afin de discuter des solutions et moyens de lutte contre le réchauffement climatique et de mettre à jour leurs objectifs. À ce sujet, la COP21 de 2015 marque un tournant majeur en permettant la signature de l’Accord de Paris, le premier accord international juridiquement contraignant sur le climat. Le rôle moteur de l’Union Européenne dans les négociations peut être amplement crédité de la réussite de la conférence. L’accord, basé sur les recommandations du GIEC, l’autorité scientifique sur le climat, prévoyait de maintenir le réchauffement climatique sous le seuil des 2°C à travers la mise en place d’objectifs et plans nationaux. Cédant une relative liberté aux états signataires dans l’instauration de leurs mesures nationales, la flexibilité de l’accord, si elle permit d’obtenir l’approbation générale nécessaire à la signature, constitue également sa grande faiblesse. Il n’y a en effet ni comité de contrôle ni moyens de sanction afin d’assurer le respect des engagements de la part des états signataires. De plus, le retrait des États-Unis, annoncé par Donald Trump en 2017, assena un coup dur au projet multilatéral engagé par l’Union.

Si l’action européenne sur le climat se place dans le cadre d’engagements internationaux, l’Union Européenne a également mis en place ses propres plans d’action à l’échelle du territoire des états membres. Le dernier plan d’action, annoncé en 2014 et revu à la hausse en 2018, prévoit trois principaux objectifs pour 2030 : (1) une réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990, (2) une élévation à 32% de la part des énergies renouvelables dans la production d’énergie, et (3) une amélioration de 32,5% de l’efficacité énergétique, c’est-à-dire du rapport entre l’énergie produite et l’énergie consommée par le système.  Récemment, la nouvelle commission présidée par l’allemande Ursula von der Leyen a annoncé l’objectif global d’atteindre la neutralité carbone en 2050, objectif jugé nécessaire par le GIEC afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. La méthode, qui consiste à compenser à 100% toutes les émissions négatives de gaz à effet de serre, est parfois critiquée de ne traiter que les effets et non les causes du réchauffement climatique. Dans une note intitulée « Les compensations carbone ne nous sauveront pas », l’ONU Environnement met notamment en garde contre les risques de la neutralité carbone, en ce qu’elle pourrait encourager les pollueurs à la complaisance et leur donner un « moyen de passer inaperçus ». Selon elle, la compensation ne devrait intervenir que lorsque tous les moyens pour réduire les émissions nationales ont été épuisés.

Des performances nationales diverses

La politique environnementale est une compétence partagée au sein de l’Union entre les institutions européennes et les états membres, respectant le principe de subsidiarité. L’action doit donc être entreprise à l’échelle la plus efficace et par l’entité la plus compétente sur le sujet. Pour rendre compte de la lutte européenne contre le réchauffement climatique, il convient alors de s’intéresser aux politiques et mesures entreprises au niveau national par les états membres. Les différences d’effort et d’engagement entre les différents pays de l’Union apparaissent ainsi au grand jour.

A la suite de la COP21 et afin d’actualiser sa politique environnementale en cohérence avec l’Accord de Paris, la France adopta un Plan Climat en 2017, prévoyant non sans prétention « d’en finir avec les énergies fossiles et s’engager vers la neutralité carbone », ainsi que de « faire de la France le n°1 de l’économie verte ». Souvent perçue comme le leader européen sur les questions environnementales, et se considérant assurément comme tel, la France ne s’est pourtant pas montrée à la hauteur de ses ambitions. Dans son rapport de juin 2019, le Haut Conseil pour le climat identifia d’importants manquements aux engagements du gouvernement français, comme le dépassement du quota carbone ou le retard considérable dans les énergies renouvelables. À travers la voix de sa présidente Corinne Le Quéré, le Haut Conseil déclarait alors « qu’atteindre l’objectif bas-carbone ambitieux de la France nécessite une cohérence renforcée des politiques publiques ». Oxfam souligne également dans son rapport que la France agit en deçà de ses objectifs nationaux, et exhorte Emmanuel Macron à « annoncer des actions concrètes pour remettre la France sur le droit chemin ».

De son côté, si l’Allemagne a su entreprendre avec réussite une sortie du nucléaire à travers l’investissement dans les énergies renouvelables, un problème de taille subsiste. Le carbone reste une source d’énergie trop importante outre-Rhin. L’Allemagne se retrouve donc dans une position paradoxale. À la fois championne des énergies renouvelables mais dépendante des énergies fossiles, elle demeure le pays qui émet le plus de C02 dans l’UE.

Les nombreuses centrales à charbon, comme celle de Niederaussem, font de l’Allemagne le premier émetteur de C02 de l’UE.

De façon générale, on note le manque d’homogénéité au sein de l’Union sur la question climatique, qui apparaît clairement comme l’archétype du problème d’action collective. Alors que certains pays, comme la Suède ou les Pays-Bas, ont su considérablement réduire leurs émissions de GES, d’autres pays comme la Pologne font preuve d’une certaine réticence à mettre en place des politiques climatiques. Cette infographie réalisée d’après les données d’Eurostat illustre la part des émissions de GES de chaque pays de l’Union. Le véritable enjeu est d’assurer que chaque état membre de l’Union participe à l’effort collectif. Pour le moment, les performances nationales restent excessivement inégales.

Un bilan en demi-teinte

D’un côté, il est incontestable que les efforts de l’UE pour réduire ses émissions de GES en dessous des 10% d’émissions mondiales font d’elle une meilleure élève que ses voisins continentaux comme les Etats-Unis ou la Chine. Ils émettent respectivement 15 et 30% des émissions mondiales de GES. Récemment, une nouvelle étape semble avoir été franchie avec la présentation par la Commission Européenne d’un « Pacte Vert », feuille de route reprenant les grands objectifs en matière environnementale et climatique et censée cadrer la transition énergétique de l’économie européenne. La priorité d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 y est notamment rappelée.

D’un autre côté, la politique européenne sur le climat n’est pas sans susciter de nombreuses réserves. Quand certaines voix ne manquent pas de rappeler que les objectifs n’ont pas été atteints, d’autres acteurs comme le GIEC alertent sur l’insuffisance des ambitions affichées par l’UE et ses états membres. Faire de la neutralité carbone sa priorité, et non de la réduction des émissions, fait l’objet de controverses. Par ailleurs, la question de la compatibilité entre croissance économique et écologie occupe une place grandissante dans les débats, certains voyant dans l’objectif de « croissance verte » les marques d’un paradoxe. La politique climatique de l’UE, malgré des efforts et progrès notables, est donc loin de faire consensus.

Au-delà des débats, qu’il faut accueillir comme des moyens de recentrer les discussions sur la réalité du changement climatique et sur les solutions les plus adaptées à mettre en œuvre, certaines certitudes semblent apparaître très clairement. D’une part, la transition vers une Europe « verte » ne pourra se faire sans une forte détermination commune et un véritable effort collectif. Les réticences nationales agissent comme des barrières toujours plus grandes qu’il se doit de faire tomber. Enfin, l’inaction de certains géants internationaux comme les États-Unis, aussi déplorable soit-elle, ne doit pas laisser trop de place au pessimisme ou au contentement. Au contraire, la communauté européenne a l’opportunité d’endosser le rôle de leader mondial sur la question climatique, ce qui, en plus de sauver la planète – rien que cela –, contribuerait à renforcer son rayonnement international.

Enfin, la politique climatique européenne pourrait bien s’avérer présenter des vertus démocratiques insoupçonnées. Les nombreuses manifestations pour le climat ont souligné le potentiel transformateur des revendications populaires. Au-delà d’apporter une réponse appropriée au défi le plus pressant de notre temps, le processus en lui-même pourrait ainsi permettre de réduire le fossé séparant les citoyens européens de leurs élus, ce « déficit démocratique » si fortement décrié et pointé du doigt comme le symbole du dysfonctionnement de l’Union. Il semble donc que l’Union ait tout à gagner d’une politique climatique ambitieuse et respectant ses engagements.

Rédigé par Damien Jahan.

Pour aller plus loin :

https://www.touteleurope.eu/actualite/urgence-climatique-l-essentiel-sur-l-action-internationale-et-europeenne.html  (14/11/2019)

https://www.touteleurope.eu/actualite/emissions-de-co2-marche-carbone-comment-l-union-europeenne-tente-de-lutter-contre-le-changement-cl.html

https://www.vie-publique.fr/eclairage/19383-la-politique-de-la-france-face-au-changement-climatique-le-plan-climat

https://www.20minutes.fr/planete/2350843-20181008-rapport-giec-neutralite-carbone-2050-condition-non-negociable-comment-faire

– Critiques adressées à la méthode de compensation carbone :
https://www.lesechos.fr/thema/articles/la-compensation-carbone-sous-le-feu-des-critiques-1151452

– Une tribune en soutien de la compensation carbone, utile pour éclairer la controverse autour de cette mesure :
https://eco-act.com/fr/neutralite-carbone-3/tribune-compensation-carbone/

– Serge Latouche, « L’écologie n’est pas compatible avec l’économie »:
https://linactuelle.fr/index.php/2020/01/09/croissance-ecologie-economie-serge-latouche/

 

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