By Lise Moutier
En voyant le climat d’incertitude qui a régné autour de la COP21, j’ai voulu tester mon optimisme écologique en changeant d’échelle. L’échelle locale, elle, fera peut-être preuve d’un dynamisme dont nous aurions bien besoin à d’autres échelles, nationale ou supranationale. A plusieurs reprises, il m’est arrivée de tomber sur des articles de presse concernant la ville de Reims, vantant son inventivité et son ambition dans la recherche et la mise en place de politiques favorables au développement durable et à la protection de l’environnement. C’est par conséquent avec curiosité que j’ai tenté de découvrir les arcanes de ce dynamisme, remontant à la source: la mairie de Reims.
Bien que convaincue par la nécessité d’avoir une échelle d’action locale innovante et ambitieuse lorsqu’il s’agit de l’environnement, les problématiques actuelles telles que les baisses des dotations de l’Etat aux municipalités, les effets de la crise tels que le chômage ou la précarité éloignent l’écologie des esprits des citoyens. L’enjeu, si ce n’est le défi, est donc, comme le résume le député-maire de Reimsn, M. Arnaud Robinet, de « répondre aux attentes des citoyens, tout en tenant compte des enjeux écologiques. ».
En m’accordant de répondre à mes questions, en variant les échelles d’analyses, M. Robinet m’a éclairé sur sa vision, celle de la ville de Reims et son état d’esprit face aux enjeux écologiques, me permettant de conclure que Reims est une ville qui s’est définitivement mise au vert.
Echelle supranationale :
- Commençons par une question d’actualité. A quelques semaines du début des négociations dans le cadre de la COP21, pensez-vous que la rencontre débouchera sur un accord adéquat ?
Arnaud Robinet : Il règne actuellement deux inconnues autour de la COP21.
Après les attaques qui ont touché notre pays, la menace terroriste fait planer tout d’abord une ambiance particulièrement morose et risque de détourner l’attention des participants. La deuxième inconnue concerne l’état d’esprit des participants. Cet événement est très médiatisé depuis de nombreux mois. La nécessité d’obtenir un accord est précisément dans tous les esprits et apparaît comme une condition sine qua none pour le succès final du sommet. Cette volonté d’aboutir à tout prix, peut déboucher sur un accord a minima, sans contraintes réelles afin que le maximum de pays soient signataires. Dans cette optique la conclusion de la COP21 risque de solder finalement par un « Much ado about nothing »…
- Quel rôle l’Union Européenne doit-elle jouer lors de la conférence dans quelques semaines ?
A.R : Naturellement, l’Union Européenne doit se faire le porte-parole de la particularité des enjeux européens lors de la conférence. Mais par-delà la COP 21, c’est dans l’application des mesures concrètes qui seront nécessaires pour décliner les objectifs définis en décembre à Paris, que l’UE a un rôle à jouer afin que tous les pays membres se dotent de législations identiques.
Il y a en effet le risque que certains pays s’exonèrent des mesures nécessaires à mettre en place, créant ainsi une forme de concurrence déloyale entre pays.
- La trouvez-vous suffisamment ambitieuse dans la protection de l’environnement ?
A.R : On peut toujours prétendre que la politique de protection de l’environnement n’est jamais assez ambitieuse. Mais il faut également faire en sorte de ne pas se couper des possibilités de développement pour notre continent. Il faut de toute urgence favoriser le principe d’innovation, plutôt que se retrancher derrière le principe de précaution. Aujourd’hui, on a peur de créer et d’inventer, alors que c’est par ce biais que les solutions pour un développement respectueux pourront émerger.
Échelle nationale :
- L’Etat français est-il suffisamment ambitieux et innovant dans sa lutte contre le réchauffement climatique, la promotion d’initiatives locales et des circuits courts ?
A.R : C’est un peu la même réponse qui peut être appliquée tant au niveau français qu’au niveau européen. Il faut préférer le principe d’innovation, au principe de précaution (conçu à l’origine pour être un principe de responsabilité et s’est transformé en impossibilité d’agir).
Au-delà de ce constat, il faut remarquer que des signaux positifs ont été envoyés par les lois Grenelle. Force est de constater qu’aujourd’hui, derrière la coloration écologiste de la majorité gouvernementale, le renoncement a été acté. Notamment avec un budget de l’écologie en baisse continue ou encore, des dispositions écologiques qui ne sont plus axées vers un développement global de l’écologie mais font la part belle aux mesures restrictives, certes politiquement marquantes pour la majorité actuelle, mais davantage ostentatoires qu’efficaces. En matière d’écologie, il faut rappeler que les initiatives les plus ambitieuses sont nées sous des gouvernements de droite, depuis la prise de conscience de Georges Pompidou, du cri d’alarme de Jacques Chirac à Johannesburg en passant par les lois Grenelle, l’efficacité de l’action n’est pas forcément là où on le pense.
- L’Article 2 du Projet de loi relatif à de la transition énergétique et de la croissance verte affirme que: « L’État mène une politique énergétique internationale ambitieuse et cohérente avec les politiques nationales et territoriales, en particulier en matière de lutte contre le changement climatique. » Comment se manifeste cette ambition à l’échelle des collectivités territoriales ?
A.R : Bien souvent, il existe bien plus de ressources et d’inventivité dans nos collectivités concernant les initiatives écologiques et durables que dans certains textes de loi, dont certaines dispositions (comme celles citées) ne sont que du bavardage d’intentions, n’ayant aucune portée législative.
Par exemple, Reims adopte la règle du zéro-phyto depuis environ 10 ans sur les espaces verts. Nos services en la matière ont adopté depuis longtemps des démarches vertueuses : le recyclage des déchets verts, la généralisation des paillages, la mise en place de zones de jachères dans certains parcs pour favoriser la biodiversité, la mise en place de mesures de préservations de la faune, etc.
En ce sens nos collectivités sont ambitieuses. Nos collectivités sont également plus consciencieuses. Les collectivités comme c’est le cas pour Reims constituent des parcs de véhicules électriques, quand les ministères ont toujours les vieux réflexes des grosses berlines polluantes.
- En votre qualité de député, pouvez-vous nous dire si les questions environnementales sont régulièrement abordées à l’Assemblée Nationale ? Ne sont-elles pas considérées comme des questions de second rang ?
A.R : Les questions écologiques sont très présentes à l’Assemblée nationale et ce bien avant que celle-ci ait compté un groupe écologiste, soit depuis 2012.
En effet, quasiment chaque texte comporte des dispositions ayant trait à l’écologie ou des textes spécifiques et ambitieux ont été proposés à l’examen de la représentation nationale comme ceux relatifs au Grenelle de l’environnement sous la précédente mandature.
Il faut signaler que la commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire est l’une des huit commissions permanentes de l’Assemblée nationale française depuis 2009 et ce parce que les questions environnementales sont devenues de plus en plus importantes dans les débats de l’Assemblée.
- « L’écologie », est-ce un mot qui fait peur à nos parlementaires ?
A.R : Ce n’est pas un mot qui fait peur aux parlementaires, c’est un mot qui inquiète souvent les Français car on confond écologie et écologisme.
Parce que c’est un enjeu pour l’avenir, ce thème ne peut être confisqué par un parti politique, davantage concerné par sa stratégie pour obtenir des circonscriptions ou des postes ministériels. Je préfère d’ailleurs parler d’écologie urbaine, un terme qui englobe tous les aspects pour construire quotidiennement une ville durable.
- Y a-t-il une coordination suffisante entre les différentes échelles de l’Etat dans la mise en place de mesures efficaces favorables au développement durable ?
A.R : Bien souvent, il faut noter une inefficacité des mesures proposées. Elle provient de la non-coordination entre les différents niveaux de décision. Malheureusement nombre de dispositifs nationaux ou communautaires sont déconnectés de considérations locales.
Inadaptés aux réalités du terrain, voire totalement inapplicables dans le pire des cas, ces usines à gaz, loin de faciliter l’action, viennent entraver les initiatives locales.
- Pensez-vous que l’échelle d’action locale soit suffisamment encouragée ?
A.R : Les marges de manœuvres existent, la prise de conscience de nos concitoyens encourage les collectivités à prendre des mesures simples mais efficaces qui contribuent à un développement durable. Par exemple des politiques volontaristes dans le cadre du tri sélectif. Cela peut paraître anecdotique, c’est pourtant un acte concret dont l’utilité est très clairement perceptible par nos concitoyens. Mais il faut se garder de penser que les actions locales sont suffisantes pour rétablir l’équilibre de notre écosystème et stopper le réchauffement climatique. C’est mondialement qu’une inflexion majeure et salutaire peut émerger. D’où l’importance d’un succès de la COP21. Un échec de ce rendez-vous, signerait un échec collectif et ce pour de nombreuses années.
- Vous avez, dans votre programme de campagne en 2014, annoncé des mesures fortes pour encourager les initiatives vertes et plus généralement le développement durable, recevez-vous des subventions européennes dans le but de les mener à bien ? Des subventions de l’Etat ?
A.R : La baisse des dotations est une problématique majeure pour les collectivités locales, dans ce contexte il est très clair, que l’heure n’est pas à la multiplication des crédits pour mener à bien tel ou tel projet. Cependant, la Ville de Reims, en menant des politiques innovantes réussit à tirer son épingle du jeu, en particulier en matière écologique. Ainsi, Reims a été primée par l’Etat dans le cadre de l’appel à projets « villes respirables » qui a pour but de mettre en œuvre des mesures ambitieuses et exemplaires pour la reconquête de la qualité de l’air. Au titre de cette distinction, notre collectivité bénéficiera d’un appui financier et méthodologique de la part des services de l’État et de l’ADEME [1].
Ces ressources en baisse n’empêchent pourtant pas notre collectivité de financer les initiatives citoyennes en faveur du développement durable. Dans le cadre de l’appel à projet écologique que nous avions lancé et après le vote des Rémois, nous venons de financer la création d’un jardin partagé au cœur d’un quartier.
- Quels sont vos projets achevés favorables au développement durable à Reims ? Vos projets en cours et futurs ?
A.R : Je veux mettre l’accent sur un aspect qui vise à réconcilier activité économique et considérations écologiques.
J’ai souhaité instaurer une politique qui vise à faciliter le stationnement. Parce qu’un certain nombre de nos concitoyens n’ont pas d’autre choix que d’utiliser leur voiture pour venir travailler. Reims est une ville à la campagne. Par conséquent nombre d’habitants de la périphérie n’ont pas la possibilité de remplacer la voiture par des moyens de transports en commun. Il faut donc faire en sorte que le centre-ville soit accessible et que l’on puisse s’y garer rapidement et éviter ainsi les bouchons ou les voitures qui tournent à la recherche d’une place pendant des heures.
Pour compléter cette offre et faire en sorte que les transports en commun deviennent une alternative facilitant réellement les déplacements, à l’occasion de la renégociation du réseau de transports en commun, nous avons souhaité une réorganisation qui vise à augmenter la vitesse commerciale (notamment avec la priorité aux feux rouges) et développe des parcours plus cohérents pour être en phase avec les besoins de circulation de nos concitoyens. Il faut également souligner, que suite notre démarche conjointe, menée avec Catherine Vautrin, présidente de Reims Métropole, désormais des navettes 100% électriques ont fait leur apparition en centre-ville, depuis l’été 2015.
- Mettre les questions relatives au développement durable en avant relève-t-il de convictions personnelles ou d’avantage d’une nécessité de répondre aux attentes des citoyens ?
A.R : C’est naturellement les deux qui conduisent mon action et celle de mon équipe. C’est le cas les nombreuses politiques publiques menées par la municipalité. A chaque fois, il faut répondre aux attentes des citoyens, tout en tenant compte des enjeux écologiques. Par exemple, concernant la rénovation de l’habitat, la Ville de Reims et Reims Métropole déploient un large panel de mesures afin d’inscrire cette rénovation dans un cadre écologique:
Le plan de rénovation des nombreux bâtiments municipaux permet à la collectivité d’avoir une démarche d’amélioration énergétique. (Notamment l’hôtel de ville dont la chaudière a plus de 50 ans et dont les travaux sont programmés)
Pour les particuliers propriétaires : exonération de 50% de la part communale de la Taxe foncière pour les travaux de rénovation énergétique et ce pendant 5ans.
Pour les locataires : la rénovation urbaine dans son volet de rénovation de l’habitat prend en compte l’aspect de la rénovation énergétique.
C’est un point essentiel pour une ville comme Reims où la proportion de logement social est élevée. On sait que précarité et précarité énergétique vont souvent de pair. Or avoir une politique de rénovation qui permet de réduire la facture énergétique contribue à alléger les factures des plus modestes.
- Quel projet vert vous tient le plus à cœur dans votre ville ?
A.R : C’est naturellement la création d’un « Central Park » à la rémoise sur les Promenades qui constitue le projet le plus emblématique dans ce domaine. L’idée, issue de mon programme et choisie par les Rémois est de faire émerger un véritable poumon vert en hyper centre-ville et le valoriser puisqu’il sera dans la continuité de la coulée verte.
- Le climat semble être un sujet allant au-delà des particularismes partisans, ainsi pensez-vous qu’avoir un parti dédié à l’écologie tel que Les Verts est d’actualité ? Travaillez-vous avec eux au sein de votre mairie ?
A.R : C’est un euphémisme de dire que les Verts ont voulu confisquer l’écologie pendant des années. Ils ont jugé qu’ils étaient les seuls préoccupés par l’avenir de notre planète, ce qui est un non-sens total.
Alors que leur parti explose aujourd’hui, en raison d’obscures considérations électorales, je suis bien en peine de vous dire si les Verts existent toujours et s’ils comptent encore comme des interlocuteurs crédibles.
- Reims et sa métropole a été récompensé de la Marianne d’Or du développement durable, qu’est-ce que cela vous inspire ? Cela vous satisfait ou ce prix a renforcé votre désir d’action ?
A.R : C’est à la fois une reconnaissance de notre politique volontariste menée mais c’est bien sûr un encouragement à continuer dans cette direction. L’action saluée par cette Marianne concerne en particulier l’action de Reims Métropole depuis 2014 pour la transformation du site de l’ancienne base aérienne 112 au profit d’un domaine particulièrement porteur et dynamique sur le territoire, (notamment le pôle Agro ressources de Pomacle Bazancourt): la bio-économie et la valorisation des bio-ressources.
C’est pour cette raison que la collectivité a appuyé le projet de la ferme 112 qui va permettre de mettre en place les cultures expérimentales nécessaires à ce développement de la bio économie. A terme, l’enjeu est de trouver des alternatives crédibles aux énergies fossiles.
*
L’échelle locale ne peut évidemment pas remplacer l’échelle d’action, supranationale, globale, et si l’on assiste à l’échec de la COP21, même toute la bonne volonté de nos municipalités ou des citoyens à leur échelle ne pourra freiner la catastrophe. En étant ambitieuse, cette échelle de proximité peut réveiller les consciences et aider les citoyens à s’encrer dans des comportements écocitoyens durables. Alors, pendant votre jogging le long de la Coulée verte ou simplement votre balade dans la ville, cherchez les expressions de l’ambition rémoise quant au développement durable et, si possible, participez-y.
[1] ADEME : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, établissement public sous la direction du Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie. Chargé de la mise en œuvre des politiques publiques en matière d’énergie et de protection de l’environnement.
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