Joseph est un jeune homme discret et sensible. Son regard, droit et honnête, vous pénètre en plein cœur et ses yeux, d’un bleu rare, vous emportent loin vers la mer.

– Joseph, tes yeux sont comme ces bassins nordiques dans lesquels on plonge pour se sentir vivant, lui murmure un soir Esther. Je voudrais y goûter.

Un amas de sons traverse la chambre pour former cette vaine réponse : 

–  Ne sens-tu pas déjà ton cœur vibrer ? La vie t’aurait-elle quittée ? 

– Joseph, raconte-moi d’où viennent tes yeux. Pourquoi sont-ils si tristement joyeux ? Ils me glacent autant qu’ils me font fondre. Dis-moi, raconte-moi d’où viennent tes yeux.

– Mes yeux, commence-t-il, mes yeux ont vu et reconnu la beauté. Ils viennent d’une mystérieuse île où terre et mer ne forment qu’un. J’y ai connu un vent inoubliable. Un vent d’hiver infernal qui précède un vent d’été indomptable.

– Joseph, mon amour, raconte-moi ce vent.

– Le chant des bourrasques de vent sur les grandes falaises d’antan, expirent des secrets inavoués. Et ce vent ensouffle par lui tous mes vœux, mes valises de rêves et d’aveux. Nous hissions les voiles et nous nous pressions de rejoindre les vagues agitées.

– Et les bateaux, Joseph ? Raconte-moi la liberté. Décris-moi le sel sur tes joues et les marinières inondées. Apprends-moi l’écho du binioù et les aquarelles séchant près des herbiers.

– Par les grands soirs d’été, après le bruit des mondanités, Oma s’en va discrètement sous le préau. Elle trimballe avec elle un chevalet et des vieux pinceaux. Je l’ai vue, un soir. L’encre glissait sur le canson vierge et faisait renaître les immortelles des dunes. L’embrun, l’écume, le fracas de l’océan, le ressac et les roches. Almanach illustré d’une enfance oubliée.
Oui, si le bleu de mes yeux t’anime, c’est parce qu’ils ont aimé cette terre. S’il te froisse, c’est parce qu’île me manque.

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