Trois Daltons en taille, pantalons kaki, bottes assorties, font le tour des vignes. On est fin août 2023, j’écoute leur discussion.
“Elle a pris des coups dégeulasses,” une grosse voix affirme, “sinon l’grain il est beau hein.” Ils observent méticuleusement les feuilles, s’emmêlent les doigts dans les tiges, et malaxent les grapillons. Ils transpirent l’expertise. Les “il faudrait tailler” se mêlent au “mmm… non…” songeurs, “il faut encore attendre.” Le diagnostic continue, les temps sont graves : les jeunes pousses tombent malades, le choc se répand sur leurs visages. Le cépage du campus est malade, les temps sont VRAIMENT graves. Une discussion parfaite pour remettre le sujet sur le tapis.
En dehors de Sciences Po, le monde oenologue clame les cépages qui rampent sur les murs du campus. À Sciences Po, les étudiants en mangent par ignorance. Mais alors d’où viennent ces vignes auxquelles nous ne pouvons au-nom-de-la-réputation-de-l’établissement-sous-aucun-prétexte toucher ?
Au nord de la bande de Gaza, la ville israélienne d’Ashkelon longe la méditerranée. En mission dans le coin, les jésuites auraient traîné la vigne archaïque que nous côtoyons sur le campus entre 1610 et 1650. Says une étude scientifique lancée en 2012 par les villes de Reims et d’Ashkelon, parents fiers de leur divin enfant, qui révèle que le cépage rémois ne serait pas du Marawi (comme le pensaient jusque-là les experts) mais du Verjus, genre d’une grande rareté. Ce sont des pieds de vigne classés au titre des Monuments Historiques, parmi les plus vieux au monde.
Mais alors, Sciences Po, qué pasa?? Pourquoi tu ne nous le dis pas à nous?? Nous, les principaux concernés, vivotons dans l’ignorance, les mains fournies de grappes, les pieds nus dans la cour des marrons. Nous qui avons touché à la vigne sacrée, pire encore, l’avons digérée, regretterions sans doute sincèrement nos travers si nous avions été prévenus de son importance.
Détrompe toi Sciences Po, loin de nous l’idée de faire de cet article une revendication. Il arbore une simple requête: mettez un panneau, pour que plus jamais les futures générations ne soient aussi confuses que nous l’étions.
CELA ÉTANT DIT, poursuivons sur un sujet un peu moins plaisant.
À compter du 4 octobre 2023 dans la cour pleine de marrons, j’ai eu le choc de constater du haut de mes birks qu’aucune vigne, grappe, ni raisin individuel n’avait été cueillie par la ville. Au lieu de trémousser au chill dans l’unique bouteille de l’année, elles pendent et se perdent, seules et non touchées.
Nos yeux lorgnent dessus, frémissant l’interdiction, mais mourant dans l’injustice de laisser la pourriture les mûrir d’heure en heure.
Résultat des courses de l’année, pas de bouteille, pas de raisins grignotés par des dents sciences pistes, des grappes tournant au violet, rongées par les 2/3 dernières abeilles qui n’ont pas compris que oui, dès octobre, il fait froid à Reims.
Finalement, j’aurais dû faire comme les Parisiens de SPK, grignoter une poignée en sortant de Reims. J’aurais dû, comme en première année, braver l’interdiction et savourer l’un des seuls plaisirs culinaires du campus. Au lieu de ça, les daltons sont partis sans les grappes, et de peur, nous rémois, n’y touchons plus.
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