24 février 2022 – L’invasion de l’Ukraine par la Russie débute. Un conflit, a priori, local qui deviendra pourtant un centre d’intérêt et de conflit à l’échelle internationale. Les commentateurs, les journaux, les réseaux sociaux ont tous leur mot à dire, tant sur le conflit armé, que sur les civils, ou sur le territoire occupé. Mais nulle part n’apparaît  le sort des femmes. Alors pourquoi la nécessité de mettre en lumière leur rôle ? Pourquoi accorder une mention spéciale à ce groupe alors même que le conflit affecte le peuple ukrainien dans sa totalité ? Dans ce monde patriarcal et sexiste dans lequel nous vivons, les femmes deviennent toujours en temps de crise un élément central du conflit. Qu’elles soient victimes de violences sexuelles ou sexistes, ou encore combattantes armées

Simone de Beauvoir l’aurait elle-même exprimé au milieu des années 70: “N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant.”

Les femmes, victimes à plusieurs échelles d’une guerre sans fin…

Dans les faits, les violences liées au genre s’aggravent et s’intensifient pour les personnes habitant les régions touchées par le conflit. Cela est dû non seulement au manque de sécurité, à l’absence ou à l’érosion de l’état de droit mais aussi à l’impunité généralisée pour les auteurs de violences, le manque de confiance dans les autorités d’occupation, et la stigmatisation liée aux tentatives de raconter des expériences de violences sexuelles.

Les conséquences de la guerre en Ukraine affectent fortement la vie de millions de femmes et de filles, ainsi 68 % des personnes déplacées sont des femmes selon ONU Femmes, soit 3,2M. Elles sont souvent les victimes innocentes des risques accrus d’exposition à la violence basés sur le genre, de risques d’exploitation et d’abus sexuels, de la perte de moyens essentiels de subsistance ou bien de l’augmentation du niveau de pauvreté. Parmi tous ces actes désolants commis par les soldats dans le contexte de la guerre, le viol prédomine, marquant ainsi une nouvelle étape d’atrocité. À ce niveau, on parle du viol comme arme de guerre en Ukraine. En effet, depuis 2002, les viols et violences sexuelles sont intégrés dans la définition des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité sur lesquels la Cour pénale internationale (CPI) peut statuer.

Concernant le cas concret du conflit ukranien, dès fin mars 2022, quelques semaines après le début de la guerre, alors que les forces ukrainiennes commencent à libérer des villages occupés, les récits de viols commis par les forces russes sur des civils figurent sur les réseaux sociaux et dans la presse : le calvaire de cette mère violée pendant deux semaines devant sa fille ; ce garçon de 11 ans violé devant sa mère ; ces deux adolescentes agressées sexuellement par cinq soldats qui leur ont aussi fracassé les dents… Le président Volodymyr Zelensky parle, dès début avril 2022,  de “centaines de cas rapportés”. 

 

Mais pourquoi le viol comme arme de guerre ? Généralement, une autorité politico-militaire utilise le viol de manière stratégique pour humilier, détruire, prendre le pouvoir sur un peuple, mais aussi pour détruire l’identité culturelle collective des communautés. Selon Pramila Patten, représentante spéciale de l’ONU, le viol consiste en  « une tactique délibérée pour déshumaniser les victimes ». La violence de ces actes instrumentalisés au service du militaire causent de véritables traumatismes physiques et psychologiques auprès des femmes. Grossesses non désirées, infections sexuellement transmissibles, crises d’angoisse… les conséquences en sont nombreuses.

Affectant un autre secteur, les attaques russes répétées contre des infrastructures civiles essentielles, qui s’apparentent à des crimes de guerre, limitent gravement l’accès aux soins de santé pour les ukrainiens et les ukrainiennes. Ces actions atroces affectent davantage les femmes tandis qu’elles se voient privées d’infrastructures fondamentales telles que les maternités, ou encore de soins post-accouchement. En outre, l’invasion russe en Ukraine entraîne, à grande échelle, des effets dévastateurs sur la santé mentale, physique, sexuelle et reproductive des femmes, affectant ainsi les générations à venir et le développement démographique du territoire. 

En ce qui concerne les femmes et les jeunes filles en période de menstruation, du fait de la guerre et l’instabilité des exportations et importations, l’approvisionnement des produits menstruels est très limité. Ceux-ci s’accompagnent inévitablement d’une hausse des prix monstrueuse, due à leur rareté. Les femmes font alors face à un dilemme : soit elles priorisent l’achat de produits menstruels et sanitaires, soit elles se concentrent sur les denrées alimentaires. 

 

… mais qui pourtant, renaissent parmi les cendres.   

Bien que les femmes soient indéniablement parmi les principales victimes de la guerre opposant la Russie et l’Ukraine (viols, monnaie d’échange, non-accès aux infrastructures ni aux produits menstruels), celles-ci sont également parmi les premières à vouloir défendre leur pays et lutter en première ligne des combats contre l’envahisseur. 

En effet, des milliers de soldates combattent au front et se mobilisent chaque jour pour soutenir militairement leur pays. 20% des effectifs de l’armée ukrainienne sont féminins, et des milliers d’autres les appuient dans diverses tâches connexes en tant que bénévoles. 

Dès le début, les femmes prennent part à la résistance, s’organisant sur le terrain comme dans des tâches civiles et militaires. Des groupes se forment spontanément à travers tout le pays. Les femmes membres d’une organisation de vétérans ont soutenu celles qui combattent en leur fournissant du matériel médical. 

Cependant, cette occupation active de l’espace public ne s’avère toujours pas être une décision facile pour les femmes ukrainiennes engagées dans le conflit, en vue de la surcharge mentale et physique qu’elles subissent. Bien que nombreuses d’entre elles rejoignent la résistance, très souvent les responsabilités liées à la prise en charge des enfants et des membres de la famille leur incombent de manière disproportionnée, une situation qui s’avère particulièrement difficile avec le danger ambiant.

Je voudrais personnellement terminer cet article par ces mots si marquants et si vrai, prononcés par Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International : “Les femmes sont les plus touchées par la brutalité de la guerre. Elles sont toujours en première ligne des conflits – en tant que soldates et combattantes, médecins et infirmières, bénévoles, militantes pour la paix, aidantes au sein de leurs communautés et de leurs familles, personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, réfugiées et, trop souvent, victimes et survivantes”.

 

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