Crédits: EFE/ ENRIQUE GARCIA MEDINA

10 décembre 2023 – Javier Milei se rend au Congrès de la Nation argentine afin d’y être investi président de la Nation pour un mandat de quatre ans, suite à sa victoire au deuxième tour des élections présidentielles (55,6%), le 19 novembre 2023. 

Son ascension au pouvoir marque le début d’une nouvelle ère en Argentine. Le peuple est divisé : certains sont aux anges, l’admirent et s’identifient aux mots de Milei, tandis que d’autres sont conscients de la portée potentielle des mesures de son programme d’extrême-droite, notamment en matière de droits de femmes. 

Quel avenir pour les femmes en Argentine lorsque leur président prévoit de restreindre de nombreux droits les concernant ?

“L’assassinat d’un être humain sans défense dans le ventre de sa mère,” voilà comment Milei définit l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Ainsi, dans la poursuite de ses idéaux, Milei a fait de la volonté d’abroger la loi légalisant l’avortement, une de ses idées phares durant sa campagne aux élections présidentielles. Il faut savoir que la légalisation de l’IVG en Argentine est une des victoires les plus significatives du gigantesque réseau féministe de mobilisation qui existe en Amérique Latine, notamment connu sous le nom de “la vague verte.” En effet, après des années de lutte acharnée, ces milliers d’argentines ont obtenu ce droit lors d’un vote historique en décembre 2020. Aujourd’hui, la bataille risque de reprendre en raison des déclarations de cet homme politique sulfureux.

Néanmoins, les déclarations de Javier Milei sont loin de se limiter exclusivement à l’abrogation de l’IVG. Celui-ci a affirmé à plusieurs reprises sa volonté de supprimer le ministère des Femmes, du Genre et de la Diversité. Lors d’une présentation au salon du livre en mai 2022, Milei déclarait, occasionnant une  polémique, “Dans mon gouvernement, il n’y aura pas de marxisme culturel. Et le ministère de la Femme, je l’éliminerai. Je ne m’excuserai pas d’avoir un pénis. Je n’ai pas à avoir honte d’être un homme blanc, blond, aux yeux bleu clair”. De plus, il ne s’arrête pas là, selon ses déclarations à la chaîne LN+ lorsqu’on lui a demandé pourquoi il supprimerait ce ministère créé en 2019, il a répondu : “Je crois en l’égalité devant la loi. Il ne s’agit pas d’un droit, il s’agit de privilèges. Ce que vous devez garantir, c’est l’égalité devant la loi.” Cette “égalité devant la loi,” Javier Milei entend l’appliquer aux féminicides : il a en effet proposé d’éliminer la circonstance aggravante prévue par le code pénal lorsque le genre est considéré comme le motif du crime. Dans ce pays où les autorités ont recensé en 2022 un féminicide toutes les 35 heures, cette notion est essentielle, selon les féministes. Dans 88 % des cas de féminicide enregistrés en 2022, la victime connaissait son meurtrier, selon les statistiques de l’Observatoire du féminicide de la Cour suprême. Dans 59 % des cas, il s’agissait de son partenaire ou ex-partenaire. 

En outre, ajoutant plus de mesures anti-féministes à son programme, le nouveau président remet aussi en question l’éducation à la sexualité à l’école, la qualifiant d’“endoctrinement de l’idéologie de genre.” Cette loi adoptée en 2006 a pourtant fait ses preuves. Selon une enquête du ministère des Tutelles publiques de Buenos Aires réalisée en 2020, 80 % des enfants et adolescents ayant signalé des abus sexuels l’ont fait après avoir suivi un cours d’éducation sexuelle.

Enfin, dans la continuité de ses propos provocateurs, suite à la question “Vous niez l’existence du patriarcat par ignorance ou par machisme ?”, posée par Myriam Bregman (extrême gauche) lors d’un débat télévisé, le 1er octobre 2023, Milei a répondu avec aplomb « Je le nie en raison des preuves empiriques ». Il écarte ainsi l’existence d’inégalités salariales entre femmes et hommes. Pour illustrer son propos, il va jusqu’à affirmer que “si les femmes gagnaient moins que les hommes, les entreprises en seraient remplies, car les entreprises veulent gagner de l’argent !”. Or, cette déclaration ne peut être plus éloignée de la réalité. Selon une enquête de l’Institut national de la statistique et des recensements (Indec), au troisième trimestre 2022, les femmes gagnaient en moyenne 26,3 % de moins que les hommes.

Cependant, le combat n’est pas perdu d’avance. La mobilisation et les résistances en Argentine, et plus amplement en Amérique Latine, sont latentes. Les collectifs féministes ne vont pas se laisser faire. De plus, le processus d’abrogation d’une loi n’est pas si facile. Par exemple, la loi qui garantit l’IVG ne pourra pas être abrogée par un simple décret présidentiel. Javier Milei a en réalité besoin d’au moins les 2⁄3 des deux chambres législatives du pays. Et c’est ici que les institutions résistent puisque, bien que Milei ait remporté le rôle de prestige, ce sont ses opposants qui ont le plus de sièges au Parlement. Les femmes en Argentine subissent donc un fou au pouvoir, mais quelques gardes fous tiennent encore afin de le contrôler.

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