Respire ! Une inspiration, deux inspirations. L’oxygène passe difficilement à travers mes poumons. En quelques instants, j’ai perdu le contrôle. De vision claire à vision trouble. Perceptions floues. Je m’échappe de mon corps. J’entends une voix lointaine, mais mes sens se noient peu à peu dans les ténèbres. 

Quitter son corps ne procure pas une sensation de flottement, c’est plus une sensation de vide. J’ai du mal à me remémorer ce qui m’est arrivé, ma mémoire est enfouie derrière un rideau épais. Je crois que j’étais avec ma sœur ; on discutait. 

Discuter ? Mais de quoi ? Ah, je me souviens qu’on était dans le train ! Rempli de passagers, il faisait si chaud. La météo, dans la matinée, annonçait trente-cinq degrés, ça m’avait choqué. Puis les corps qui se mouvent, se collent, se morphent en une cage flasque et étouffante. La sonnerie sifflante nous alerte de la fermeture des portes du train. Le brouhaha m’enferme toujours plus dans cette masse. Puis plus rien. 

Plus de masse. Plus de corps. Plus de bruit. Plus d’odeur. Plus de sœur. Plus de moi. 

Je sens que je m’enfonce de plus en plus dans les profondeurs de mon esprit. Je n’arrive pas à tâtonner, à appeler quelqu’un. Mais un espoir subsiste : si j’ai conscience de mon inconscient, c’est que je suis encore là. Je suis encore joignable. Seulement coincée derrière une barrière mentale et incapable de reprendre ma chair. Mais j’ai toujours, même si imperceptiblement, les picotements rattachés à ma condition corporelle. J’entends encore les faibles battements de mon cœur. Je ressens légèrement cet étau qui me paralyse. Un cri faible retentit. J’essaye de m’y accrocher, de distinguer ses exclamations. C’est une femme. Une femme crie. Mes oreilles sifflent, l’étau se desserre. Les ténèbres s’éloignent, la lourdeur de mon corps me revient. J’y suis presque, la voix se stabilise et se cristallise. La plainte se fait claire et retentit. 

Respire !

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