Credit: François Duhamel

Dans les premières minutes de May December, Elizabeth (Natalie Portman) évoque une histoire profondément « humaine ».

Cette histoire, c’est celle de Gracie (Julianne Moore) et Joe Atherton-Yoo (Charles Melton), qui se sont rencontrés lorsqu’elle avait 36 ans, et lui seulement 13. Découverts en pleine relation intime dans la réserve de l’animalerie où les deux travaillaient, Gracie est arrêtée et condamnée à une petite dizaine d’années de prison. Mais cette liaison amoureuse n’en deviendra que plus intense. Ayant accouché de leur premier enfant en prison, les deux amants, dont l’écart d’âge est exprimé dans l’expression qui a donné le titre du film, se marient et emménagent ensemble.

C’est alors qu’Elizabeth, actrice célèbre mais peu reconnue, vient leur rencontrer, plus de vingt ans plus tard dans leur maison de Savannah (Géorgie), pour mieux cerner la personne de Gracie, qu’elle va jouer prochainement dans un film.

 

Librement adapté d’un véritable fait divers ayant eu lieu à Seattle (Washington) dans les années 90, cette histoire étrange et choquante est effectivement terriblement dérangeante. 

Dans sa dernière réalisation, Todd Haynes crée une tension pesante qui dure tout au long de l’intrigue. Il y a d’abord ce cadre suffocant des marécages du sud-étatsunien, où la chaleur et l’humidité vous rappelleront le crescendo fatal d’Un Tramway Nommé Désir, le chef-d’œuvre du dramaturge Tennessee Williams. Puis, cet air tragique qui appartient à la bande-son créée par Michel Legrand pour Le Messager (1971) donne un ton dramatique à l’action, même lorsqu’il n’y a simplement plus de hot dog dans le frigo. 

Mais le plus dérangeant dans tout cela est sans doute le jeu des trois personnages principaux, chacun cachant quelque chose au fond d’eux-mêmes. Vous remarquerez sans doute l’effet miroir, presque compétitif, entre Moore et Portman, puisque Haynes multiplie les scènes où les deux actrices fixent ensemble la caméra, comme si elles se regardaient dans une glace. 

Cependant, celui qui viendra heurter vos émotions, c’est Charles Melton, qui joue un adolescent trentenaire, qui n’a jamais fumé un joint ou encore vécu l’intimité avec quelqu’un de son âge. Bien qu’il soit réservé et peu présent au tout début du film, quelque chose le travaille, l’anime intérieurement, et, tout comme les larves de papillons monarques qu’il élève, lui obligera à atteindre la maturité et prendre conscience de l’ampleur de ce qui lui est arrivé.

 

A la sortie du film, une phrase vous travaillera : celle où Elizabeth reconnaît en tout cela une histoire « humaine ». Parce que oui, nous ne sommes pas dans le domaine de la fiction. L’amour n’est pas toujours parfait et prend des formes qui sont parfois dures à tolérer. Une partie de vous refusera d’accepter la réalité qui est proposée par cette épopée. Mais vous comprendrez également que ces imperfections et cette étrangeté nous rendent d’autant plus humains.

 

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